Les lipides

Découvrez quelle est l’origine des lipides, les différents groupes et leurs fonctionnements pour mieux comprendre comment les utiliser.

Les lipides, tout comme les glucides et les protéines, sont des macronutriments essentiels au fonctionnement du corps humain. Après avoir vu dans les deux premiers volets de cette série comment les plantes fabriquent les glucides à partir de la lumière du soleil (photosynthèse), puis comment ces glucides, combinés à l’azote du sol, permettent la synthèse des acides aminés (éléments de base des protéines), nous allons nous pencher sur ce dernier groupe de molécules souvent mal perçu, mais fondamental.

Dérivé du grec lipos, “graisse”, ce mot peut évoquer l’excès ou aussi le stockage d’énergie. Mais les lipides remplissent en réalité de nombreuses fonctions vitales : ils constituent les membranes des cellules, nourrissent le cerveau, participent à la synthèse des hormones, et assurent l’absorption de vitamines indispensables.

Que sont exactement les lipides, comment sont-ils synthétisés, et pourquoi sont-ils si importants pour le corps humain ?

Pour répondre à cette question, nous allons suivre le parcours du carbone capté par les plantes jusqu’aux différents types de graisses que l’on retrouve dans l’alimentation. Nous verrons que, comme les glucides et les protéines, les lipides trouvent eux aussi leur origine dans les plantes, grâce à une ingénierie biochimique fine.

Structure et origine des lipides

Les lipides constituent une famille de molécules biologiques définies par une caractéristique commune : leur insolubilité dans l’eau. Cette propriété découle directement de leur structure chimique, dominée par des chaînes longues d’atomes de carbone (C) et d’hydrogène (H), avec peu ou pas d’atomes d’oxygène (O).

Contrairement aux glucides, dont le rapport entre carbone, hydrogène et oxygène est proche de 1:2:1, les lipides présentent un taux d’hydrogène et de carbone nettement plus élevé. Par exemple, l’acide palmitique (un acide gras saturé) possède 16 atomes de carbone, 32 d’hydrogène et seulement 2 d’oxygène. Cette composition leur confère des propriétés spécifiques :

  • Une grande densité énergétique (environ 9 kcal/g)
  • Unenature hydrophobe
  • Une grande diversité de formes : acides gras, triglycérides, phospholipides, stérols, etc.

Tous les lipides produits par les plantes dérivent d’un même précurseur : l’acétyl-CoA, une petite molécule à deux atomes de carbone, synthétisée à partir du pyruvate — lui-même issu de la glycolyse du glucose produit par la photosynthèse. Ce composé constitue le point de départ de la synthèse des acides gras et d’autres lipides complexes.

Ce processus repose sur une série d’enzymes spécialisées capables de plusieurs actions :

  • Assembler les chaînes carbonées (synthèse)
  • Ajouter des doubles liaisons (désaturation)
  • Allonger ou raccourcir les chaînes (élongation, β-oxydation)
  • Ajouter des groupes fonctionnels (formation de triglycérides, phospholipides, stérols)

Toutes les grandes familles de lipides dérivent de ce point de départ commun. Avant d’examiner chacune de ces familles, il est utile d’avoir une vue d’ensemble du réseau métabolique qui permet leur production.

Les grandes familles de lipides synthétisées à partir de l’acétyl-CoA

Bien que les grandes familles de lipides soient universelles, leur composition exacte et leur diversité dépendent des enzymes propres à chaque organisme, qu’il soit végétal ou animal. Les différences spécifiques seront abordées dans la partie suivante.

À partir de l’acétyl-CoA, les cellules élaborent une grande diversité de lipides, regroupés en cinq grandes familles, aux rôles complémentaires dans les structures et fonctions biologiques.

Acides gras

Les acides gras sont les premiers lipides formés à partir de l’acétyl-CoA. Ce sont des chaînes plus ou moins longues d’atomes de carbone, terminées par un groupe acide. Ils peuvent être :

  • Saturés, sans double liaison (ex. : acide palmitique)
  • Insaturés, avec une ou plusieurs doubles liaisons (ex. : acide oléique, linoléique)

Ils constituent la base de nombreuses autres molécules lipidiques et participent également à des fonctions énergétiques et de signalisation.

Lipides de réserve

Lorsque des acides gras s’assemblent avec une molécule de glycérol, ils forment des triglycérides. Ils servent de réserves d’énergie à long terme dans la cellule, en particulier dans les graines chez les végétaux ou les tissus adipeux chez les animaux.

Lipides membranaires

Les phospholipides, glycolipides et sphingolipides sont les principaux constituants des membranes cellulaires. Ils assurent à la fois la cohésion structurale des membranes et la régulation des échanges avec l’environnement.

  • Les phospholipides sont composés d’un glycérol, de deux acides gras et d’un groupe phosphate.
  • Les glycolipides comportent un ou plusieurs sucres en surface.
  • Les sphingolipides dérivent de la sphingosine, un alcool aminé à longue chaîne.

Chez les plantes, certains glycolipides sont spécifiques aux membranes des chloroplastes, comme le MGDG et le DGDG.

Lipides protecteurs

Certains lipides assurent une fonction de barrière physique. C’est le cas des couches protectrices retrouvées à la surface des feuilles, des tiges ou des racines. Elles sont composées de :

  • Cires : esters formés à partir d’acides gras et d’alcools gras
  • Cutine : polymère lipidique présent dans la cuticule des feuilles et des fruits
  • Subérine : structure similaire présente dans les racines et l’écorce

Ces lipides permettent de limiter les pertes en eau et de protéger contre les agressions extérieures.

Stérols

Les stérols sont des lipides à structure cyclique, issus de la condensation de plusieurs unités d’acétyl-CoA via la voie du mévalonate. Chez les plantes, on parle de phytostérols (ex. : sitostérol, stigmasterol), et chez les animaux, de cholestérol.

Ils sont essentiels à la structure des membranes et à certaines fonctions de signalisation hormonale.

Ces cinq grandes familles de lipides, bien que synthétisées à partir des mêmes bases, ne se développent pas de la même manière chez tous les organismes. La suite de l’article mettra en lumière ces différences entre végétaux et animaux.

Capacités de synthèse lipidique chez les plantes et les animaux

Chez tous les êtres vivants, la production de lipides repose sur des bases métaboliques communes. Cependant, les enzymes impliquées dans ces voies varient selon les espèces, ce qui influence la diversité des lipides produits. Chaque organisme dispose ainsi d’un ensemble d’outils biochimiques adaptés à ses besoins physiologiques, mais les animaux ne peuvent pas synthétiser tous les lipides nécessaires à leur fonctionnement. Ils doivent donc se procurer certaines molécules essentielles par leur alimentation.

Capacités partagées

Plantes et animaux sont capables de :

  • Synthétiser des acides gras saturés et monoinsaturés (ex. : acide palmitique, acide oléique)
  • Produire des triglycérides pour le stockage de l’énergie
  • Former les principaux phospholipides constitutifs des membranes cellulaires

Ces voies reposent sur des enzymes analogues, bien que spécifiques pour les animaux et les végétaux.

Capacités étendues des plantes

Les plantes possèdent des enzymes supplémentaires leur permettant de :

  • Synthétiser les acides gras essentiels que les animaux doivent obtenir par l’alimentation (ex. : acide linoléique, acide alpha-linolénique)
  • Produire des glycolipides spécifiques aux membranes des chloroplastes (ex. : MGDG, DGDG)
  • Élaborer des phytostérols (ex. : sitostérol, stigmastérol), absents du métabolisme animal
  • Former des lipides de protection comme les cires, la cutine et la subérine

Ces composés assurent des fonctions propres au monde végétal, mais certains présentent également un intérêt nutritionnel ou fonctionnel chez l’humain.

À propos des oméga-3 : le cas des poissons

Chez les animaux, la synthèse de certains acides gras oméga-3 à longue chaîne, comme l’EPA (acide eicosapentaénoïque) et le DHA (acide docosahexaénoïque), est possible mais peu efficace. Cela concerne notamment les poissons, souvent mis en avant pour leur richesse en ces composés.

Bien qu’ils soient capables de les produire à partir de l’ALA (acide alpha-linolénique), cette conversion reste limitée. Leur teneur élevée en EPA et DHA s’explique principalement par leur position dans la chaîne alimentaire marine. En consommant des organismes plus petits, eux-mêmes nourris de microalgues riches en oméga-3, les poissons accumulent ces lipides dans leurs tissus.

Parmi les principales algues connues pour leur capacité à synthétiser naturellement l’EPA et le DHA, on retrouve :

  • Schizochytrium
  • Crypthecodinium cohnii
  • Nannochloropsis
  • Isochrysis

Ces microalgues, situées à la base du réseau trophique océanique, rappellent que même les lipides présents dans les poissons ont une origine végétale.

Pourquoi les lipides sont essentiels pour le corps humain

Les lipides sont bien plus que de simples réserves d’énergie. Leur structure, leur diversité et leur comportement chimique en font des molécules indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Ils interviennent à tous les niveaux, des membranes cellulaires à la régulation hormonale, en passant par la signalisation et l’absorption de vitamines.

Source d’énergie concentrée

En raison de leur faible teneur en oxygène et de la prédominance des liaisons carbone-hydrogène, les lipides contiennent plus de deux fois plus d’énergie que les glucides ou les protéines (environ 9 kcal/g contre 4 kcal/g). Ils sont stockés dans les tissus sous forme de triglycérides et mobilisés en cas de besoin énergétique prolongé.

Constituants des membranes cellulaires

Les membranes de toutes les cellules sont constituées d’une bicouche de phospholipides, associée à d’autres lipides comme les stérols ou les glycolipides. Ces structures assurent :

  • La compartimentation de la cellule
  • La fluidité membranaire
  • Le contrôle des échanges entre les milieux intra- et extracellulaire

Rôle dans le développement cérébral et nerveux

Certains lipides, comme le DHA (acide docosahexaénoïque), sont particulièrement abondants dans le cerveau et la rétine. Ils participent à la formation des membranes neuronales et à la myélinisation des fibres nerveuses, essentielles à la conduction des signaux. Une consommation suffisante est donc importante dès les premiers stades du développement.

Précurseurs de molécules de signalisation

Plusieurs dérivés lipidiques jouent un rôle de messagers biologiques :

  • Les eicosanoïdes, dérivés d’acides gras polyinsaturés (ex. : prostaglandines, leucotriènes)
  • Certaines hormones stéroïdiennes, produites à partir du cholestérol (ex. : cortisol, testostérone, œstrogènes)

Ces molécules régulent des processus clés comme l’inflammation, la pression artérielle ou le métabolisme.

Transport et absorption des vitamines liposolubles

Les lipides alimentaires sont nécessaires à l’absorption des vitamines A, D, E et K, dites liposolubles. Ces vitamines participent à la vision, à la protection cellulaire, à la coagulation sanguine et à la régulation du calcium.


Les lipides remplissent donc un ensemble de fonctions vitales. Ils doivent être consommés en quantité suffisante, mais aussi dans une qualité adaptée, en privilégiant les sources riches en acides gras essentiels et en composés d’origine végétale.

Conclusion

Les glucides, les protéines et les lipides forment le trio des macronutriments essentiels à la vie humaine. Cette série d’articles a permis d’en retracer l’origine commune : la photosynthèse.

Grâce à l’énergie solaire, les plantes transforment le dioxyde de carbone en glucose, qui servira de base à la formation d’acides aminés et de lipides. Ces derniers se déclinent en une grande diversité de formes, dont plusieurs sont propres au règne végétal : acides gras essentiels, phytostérols, glycolipides de chloroplastes, cutine, subérine, etc.

Même les lipides que l’on retrouve dans les tissus animaux — tels que l’EPA et le DHA — proviennent indirectement de la production végétale, notamment par les microalgues marines situées à la base des chaînes alimentaires aquatiques.

Cette perspective rappelle que les plantes ne se limitent pas à une fonction nourricière. Elles sont à l’origine d’une grande part des molécules qui participent à l’équilibre du vivant, dans et hors de l’organisme.

Certains lipides végétaux, notamment ceux utilisés par les plantes pour se protéger, trouvent aussi une application dans des usages externes : soins de la peau, protection des cheveux ou soulagement musculaire. Une démonstration supplémentaire de la polyvalence biochimique du monde végétal.

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